Vers une (r)évolution appelée vi(ll)e en container

Vers une (r)évolution appelée vi(ll)e en container

Container City 2

‘Ecologiques, économiques, recyclables et modulables’, selon leurs concepteurs, ces récipients à bas coûts (par essence), facilement transportables et assemblables, résistants aux intempéries, font leur chemin dans la conception même de nos villes. Un nouveau type d’habitat efficient et avantageux ou un effet de mode séducteur et branché ?

Monde

Tout a commencé un jour à l’initiative d’Eric Raynolds, qui se trouve être à la tête de l’entreprise anglaise Urban Space Management (USM), connue depuis 1971 pour ses interventions sur les quartiers en mutation. USM investit, conseille et gère, travaillant soit avec l’Etat soit avec de nombreuses entreprises spécialisées dans le bâtiment. L’agence est notamment connue pour l’aménagement et le développement du Camden Lock Market, l’un des sites touristiques les plus connus et visités de Londres.

C’est en 2000 qu’USM, spécialisée dans les équipements collectifs, gagne dans le quartier des docks à Londres le concours d’aménagement d’un centre dédié aux artistes. Le concept ‘Container City 1’ est né.

L’idée était le recyclage et la récupération de containers maritimes et leur réutilisation sous forme d’unités d’habitation. Les aspects techniques déterminés, de l’isolation aux fenêtres en passant par la structure d’accueil et les réseaux, n’étaient pas insurmontables. Eric Raynolds a imaginé, puis construit, un quartier entier fabriqué de containers empilés selon plusieurs modes d’agencements.

Un succès inattendu ! Ce projet novateur a attiré l’attention et devint bientôt, tel le quartier BedZed*, l’un des exemples écologiques du pays. A tel point qu’une année plus tard, l’extension ‘Container City 2’ voyait le jour. Présentée comme une évolution de la première phase, ‘Container City 2’ disposait d’équipements supplémentaires permettant une meilleure accessibilité. Avec ses couleurs brillantes et son côté inédit, elle a fait l’unanimité. Un triomphe pour la société commerciale et un énorme privilège pour la ville.

Ce qui au départ était destiné à être des ateliers pour des artistes londoniens, avec la hausse des prix du loyer et la crise, rendant l’accessibilité encore plus difficile aux logements de coût modéré, est devenu un immeuble d’habitation adulé et un lieu branché de la capitale anglaise. Il y fait si bon vivre qu’une longue liste d’attente attend ceux qui souhaitent un jour y travailler, voire y vivre.

L’intérêt pour ce concept a bientôt dépassé les frontières. Depuis leur utilisation dans quelques projets dans les années 60, les containers revenaient sur le devant de la scène architecturale. Aujourd’hui, les containers participent à la pensée même du futur de l’habitat dans la ville. A l’exemple de nouveaux investisseurs.

Ailleurs en Europe 

Container City 1

En Hollande, la société néerlandaise Tempohousing a entreprit la construction d’un mini-village en containers dans le quartier de Bijlmermeer, au sud d’Amsterdam, afin de répondre aux nombreux problèmes de logements rencontrés par les étudiants.

Des immeubles de cinq étages abritent désormais 1.500 étudiants. Sur place, un supermarché, un café, un local à vélo le tout, bien sûr, issus du même métal, assurent le bonheur des habitants.

En 2004, la société hollandaise Holland Composites Industrials a pour sa part créé des logements, nommés ‘Spaceboxes’, à partir d’unités en matériaux composites selon un principe semblable à celui des containers. La ville de Delft en a installé 132 pour les étudiants étrangers, imitée peu après par l’université d’Utrecht qui en a monté 234. Malgré ses qualités économiques, sa facilité de transport et un temps de montage record, ce concept n’a pas eu l’écho planétaire de ‘Container-City’.

Dans le monde

Aux Etats-Unis, l’agence d’architecture LOT-EK, connue depuis sa création pour ses projets basés sur la récupération, a trouvé avec les containers un marché florissant et recherché. En écho à la crise, elle propose aujourd’hui des logements individuels qui répondent aux normes de confort trouvé dans n’importe quelle maison traditionnelle. L’agence a commercialisé le ‘Mobile Dwelling Unit (MDU), lointain cousin du ‘Silver Bullet’, qui permet d’avoir une maison facilement transférable et ceci n’importe où dans le monde.

A l’image économique et écologique s’ajoute ainsi celle de la mobilité de la ‘maison’, un atout peut-être non négligeable aujourd’hui.

Au Nigeria encore, un maître d’ouvrage a eu l’idée d’ajouter plusieurs étages en containers sur un socle d’un étage en béton ; un maillage mixte et pari réussi pour cet hôtel trois étoiles.

Logements étudiants Le Havre.

En France

En France, où demeure l’aspect patrimonial de la pierre, le développement de la maison Container est timide. Cela écrit, l’effet ‘Container City’ a réussi à percer sur le marché des logements étudiants. Bien qu’initialement conçu comme une réplique à des contraintes économiques d’urgence et malgré les polémiques afférentes, le programme de la ville du Havre, conçu par l’architecte Alberto Cattani, semble avoir séduit les étudiants, premiers bénéficiaires de ces programmes neufs. Le coût raisonnable et la taille – mieux les m² d’un container que ceux d’une chambre de bonne – ainsi sans doute que le confort et la fonctionnalité, n’y sont pas étrangers.

A tel point que d’autres villes en région parisienne pensent sérieusement à saisir l’occasion de construire ce type d’habitat. A Dunkerque, l’architecte Jérôme Soissons a même érigé une chapelle en containers. Idée incroyable soutenue par quelques fidèles sauf qu’elle a coûté 60.000 euros, une somme qui commence à s’éloigner de l’idée économique de l’utilisation des containers. Même si une chapelle à 60.000 euros…

L’abri temporaire d’artistes du début est devenu un concept architectural captivant. Aujourd’hui, ‘Container City’ offre une nouvelle image radieuse de l’habitat collectif. Récipients multicolores, solides et transportables ont fait leur preuve. Au moins ont-ils changé – Pour le meilleur ? Pour le Pire ? – le regard des gens.

Sipane Hoh

Les photos 1 et 2 :© cmglee

La photo 3 © Christophe Durand

N.B. Cet article est paru en première publication dans le courrier de l’architecte le 30 mars 2011.