Un architecte égyptien (ré)invente la climatisation

Un architecte égyptien (ré)invente la climatisation

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Dans un article de Al-Ahram daté du 19 octobre 2010, le journaliste Wajih Al Sakkar  présente le mécanisme de climatisation naturelle du Docteur Ahmad Abd el Wahab Rizk, architecte, scientifique et chercheur. Canalisation des vents et géothermie ou l’immeuble bio-climatique des rives du Nil.

Egypte | Culture |

Contexte
A l’heure où la consommation d’énergie électrique pour la climatisation augmente dans les pays chauds tel l’Egypte, le Docteur Ahmad Abd el Wahab Rizk, architecte, scientifique et chercheur, nous fait part de son innovation architecturale qui allie deux théories (utilisées séparément autrefois) menant à l’autosuffisance énergétique dans le domaine de la climatisation d’un bâtiment.
Al-Ahram, littéralement Les Pyramides, est l’un des quotidiens les plus anciens et plus respectés d’Egypte.
SH

UN SCIENTIFIQUE EGYPTIEN INVENTE L’AUTO-AERATION DES BATIMENTS
Wajih Al Sakkar | Al-Ahram

Le Caire – Avec la propagation des vagues de chaleur – désormais la plupart des jours de l’année -, un scientifique égyptien a inventé une conception architecturale moderne basée sur l’auto-aération des bâtiments sans avoir besoin de recourir à la climatisation électrique.

Ahmad Abd el Wahab Rizk profite des vents qui frappent le pays pendant les chaudes journées d’été pour créer, dans le bâtiment, des zones vastes et profondes qui puisent dans la fraîcheur du sol. Ce système doit permettre, selon lui, la diminution du coût total de l’électricité de cinq milliards de gineh (la monnaie égyptienne) chaque année. Sans parler de la réduction du fréon (un gaz polluant qui participe au réchauffement climatique) émis par les systèmes de climatisation électrique.

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Le professeur d’architecture à l’université de Tanta expose son idée en expliquant que, jusqu’ici, la plupart des études se sont concentrées sur l’exploitation de la vitesse du vent du nord dans la production électrique via des éoliennes, surtout dans la mer Rouge tandis qu’aucune étude n’est faite quant au rôle du vent dans le refroidissement et la ventilation des édifices, que ce soit dans les villes ou les villages.

Ainsi, pour le moment, le rôle de l’architecte, dans la conception du logement, se limite à la réservation d’un local pour mettre en place le système de climatisation et de penser à une maintenance rapide en cas de panne, surtout aux mois de juillet et d’août, les mois les plus chauds de l’année. Ainsi, il participe à l’augmentation de l’insouciance générale vis-à-vis des problèmes environnementaux.

Vents d’été

Le Dr. Ahmad Abd el Wahab Rizk dit : «Le vent estival qui souffle sur l’Egypte, malgré le temps chaud, a la particularité d’être froid car il résulte de la dépression d’air venant d’Europe du sud. Les mers Méditerranée et Rouge, dont les eaux se caractérisent par une température inférieure à celle de l’air ambiant, font que la vitesse de ce vent atteint 6m/sec. à une température suffisante pour abaisser la chaleur intérieure de n’importe quel édifice et répandre une climatisation naturelle, y compris dans les zones résidentielles. Différentes études confirment la constance de ces vents selon une valeur suffisante pour envisager qu’ils fondent des règles dans la conception architecturale d’un l’immeuble. Ces règles consistent à respecter le trajet du vent en créant des ouvertures qui le canalisent dans un parcours intelligent pour parvenir à un résultat idéal».

Le scientifique égyptien propose ainsi un questionnement sur les méthodes déjà utilisées dans l’Egypte ancienne à l’époque des pharaons. De fait, ils connaissaient déjà l’effet climatisant de la circulation du vent et opéraient des ouvertures verticales dans les murs de leurs temples pour une utilisation optimale.

05(@SipaneHoh)

Depuis les pharaons, on a eu recours dans toute la péninsule arabique aux tours à vent* qui profitent de la verticalité d’un édifice et de la vitesse des vents qui s’y infiltrent pour un résultat des plus concluants. Hassan Fathi, l’architecte égyptien de renommée mondiale, a usé de cette méthode pour ses conceptions où les dômes sont dotés de multiples ouvertures. L’architecte Ahmad Abdin a fait évoluer le concept en l’introduisant en terrasses dans ses bâtiments pour une trajectoire idéale qui guide le vent.

Les couches souterraines

Quant à l’exploitation de la fraîcheur du sol, souvent remarquable dès trois mètres de profondeur, le Dr. Ahmad soutient que la température basse des couches souterraines doit permettre de concevoir (en entresol ou carrément au sous-sol) des espaces qui bénéficieraient, surtout pendant les pics de chaleur et les heures chaudes de la journée, de températures naturellement fraiches, plus ou moins bien sûr selon la nature du sol et sa teneur en eau. Les civilisations pharaoniques et coptes avaient déjà recours à de tels procédés en utilisant ces chambres pour conserver la nourriture au frais. Il suffirait donc, à partir de ces pièces froides, de faire monter des canalisations reliées au circuit des vents pour climatiser naturellement l’immeuble.

03(Source Nicolas Grimal)

Les deux idées se complètent

Le chercheur précise que cette nouvelle conception de l’immeuble intègre les deux idées réunies, d’une part la fraîcheur des vents du nord et, d’autre part celle des couches souterraines, lesquelles participent mécaniquement à la climatisation interne et au renouvellement de l’air sans électricité. Il souligne les avantages d’une telle association et les conséquences sur la qualité de vie des habitants ainsi que sur la préservation atmosphérique et l’environnement.

Suivant ses calculs, dans un bâtiment utilisant ces deux méthodes de rafraichissement, le renouvellement de l’air se produit jusqu’à 51 fois par heure, un chiffre acceptable pour un résultat sain sans effet néfaste, alors que la climatisation d’aujourd’hui ne peut pas atteindre le quart de cette efficacité sans une consommation électrique ruineuse et causant diverses maladies rhumatismales et respiratoires.

04(SipaneHoh)

Le Dr. Ahmad ajoute enfin qu’aujourd’hui l’Egypte utilise trois millions de climatiseurs, un chiffre qui ne cesse de grimper. Avec la chaleur croissante, cela implique une utilisation monstrueuse d’électricité désormais équivalente à 21% de l’énergie électrique du pays (soit quatre centrales électriques). Sans parler du prix de la consommation qui augmente de 0,7% lors des grandes chaleurs d’été.

Le recours à des procédés naturels mécaniques et un effort architectural qui peut contrer cette surconsommation apparaît donc comme une évidence. La hausse de la consommation électrique actuelle se traduit négativement sur l’éclairage des rues (0,5% de moins d’électricité consacrée), ce qui pourrait influer sur des problèmes sécuritaires et autres.

Tout ceci défend l’idée que l’architecture devrait jouer un rôle important dans le respect de l’environnement et l’amélioration de nos modes de vie.

Wajih Al Sakkar | Al-Ahram
19-10-2010
Adapté par : Sipane Hoh

* La tour des vents est un élément traditionnel d’architecture utilisé depuis des siècles pour créer une ventilation naturelle dans les bâtiments.

04(tour a vent)

N.B. Cet article est paru en première publication sur le courrier de l’architecte le 04 mars 2011.

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