Destins croisés au Palais Idéal

Destins croisés au Palais Idéal

Destins croisés au Palais Idéal

© Margot Montigny

C’est l’histoire de Sarah Winchester et Ferdinand Cheval, deux personnalités excentriques que rien ne réunit de prime abord. Pourtant, au Palais Idéal, la nouvelle exposition tisse l’histoire de deux instantanés dévoilant deux œuvres gigantesques et surtout deux destinées atypiques.

Similitudes antagoniques

L’une est née en 1839 à New Haven dans le Connecticut, l’autre en 1836 à Hauterives, dans la Drôme, ces deux personnages qui auraient pu se croiser ne semblent rien avoir en commun et pourtant ils ont partagé une passion commune, la construction d’une demeure surprenante dont les travaux ont duré vingt ans pour Sarah Winchester et trente-trois ans pour Ferdinand Cheval. Une tranche de vie entière consacrée à leurs aspirations, rêves et ambitions. Entre chimère et fantaisie, mythe et évidence, détermination et ténacité, exigence et persévérance, satisfaction et tragédie, un dialogue secret à la frontière de l’imaginaire se tisse entre deux êtres et leurs architectures respectives qui continuent à traverser le temps.

Voyage vers l’au-delà

Quid des commissaires de l’exposition ? Céline du Chéné, Productrice à France Culture et autrice de La Malédiction de Sarah Winchester – la contre-enquête (Michel Lafon) et Frédéric Legros, Directeur du Palais idéal, deux personnages qui, encore une fois, n’ont pas beaucoup de choses en commun et pourtant, un beau jour, le livre de Céline tombe dans les mains de Frédéric. C’est ainsi qu’a pu naître l’actuelle exposition. Fruit d’un hasard suivi d’une véritable quête qui part vers l’au-delà, ressuscite le passé et révèle certains secrets.

Un dialogue d’esprits et d’architectures

A travers une scénographie recherchée, autour de l’ouvrage de Jérôme Poret, entouré d’œuvres d’artistes comme Martine Aballéa, Chloé Dugit-Gros et Olivier Morvan enrichi des gravures de Giovanni Battista Piranesi et d’un paysage sonore et musical créé à l’occasion par Laurent Paulré, l’exposition nous embarque dans un voyage intemporel, nous transpose à une époque lointaine où d’anciennes photos, objets, références, sons et songes, prennent forme dans un monde imaginaire où deux esprits se rencontrent, se dévoilent et conversent sous nos regards éperdus, absents mais toujours alertes. Comme dans une séance de spiritisme, le passé se mêle au présent, nous sommes tantôt chez Sarah tantôt chez Ferdinand ou quelque part entre San Jose et Hauterives, dans un monde où deux architectures fantastiques prennent petit à petit corps et se vissent dans leur présent. Sauf que, comme le passé, le présent de l’un n’est pas comme le présent de l’autre. La maison hantée de Sarah Winchester, conçue par la riche héritière, construite pas des ouvriers est très différente du Palais Idéal, conçu et construit pierre par pierre par le fils d’ouvrier, le Facteur Cheval. Pourtant, ressemblant à l’étrange Cathédrale engloutie de Vieira da Silva les deux constructions, aussi réelles que concrètes continuent, jusqu’à nos jours, à entretenir leur mystère tout en imposant leur existence.

Jusqu’au bout de la passion

Franz Kafka n’avait pas jugé nécessaire de terminer « Le Château », Sarah Winchester et Ferdinand Cheval sont allés jusqu’au bout de leur passion, avec chacun, une œuvre complète qui attire même chez certains la pâmoison. Aujourd’hui, dans le modeste musée du Palais Idéal, deux destinées riches en rebondissements se mettent à nue, Sarah et Ferdinand ne sont plus là pour nous parler de leurs œuvres, malgré tout, certains énigmes se devinent et d’autres restent à jamais dissimulés. L’exposition Sarah Winchester et Ferdinand Cheval, architectes de l’étrange est à découvrir jusqu’au 14 janvier 2024.

© Margot Montigny
© Margot Montigny
© Margot Montigny