Vieira da Silva à Dijon, trente ans après sa mort…

Vieira da Silva à Dijon, trente ans après sa mort…

Vieira da Silva à Dijon, trente ans après sa mort…

La ville au bord de l’eau huile sur toile, 1947 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris

Qui ne connaît Maria Helena Vieira da Silva, l’artiste portugaise et l’une des figures majeures de l’histoire de l’art abstrait ? Pour retrouver ses œuvres, direction le musée des Beaux-Arts de Dijon où une exposition en deux temps occupe deux étages distincts et nous fait découvrir les œuvres de celle qui a disparu il y a trente ans.

Une œuvre complète

Sous le commissariat de Naïs Lefrançois et Agnès Werly, les différents œuvres de Vieira da Silva se dévoilent sous leur plus bel atour. Il s’agit non seulement d’une rétrospective qui retrace les étapes importants d’une carrière d’envergure internationale, mais d’un parcours artistique exemplaire marqué par des lignes et des formes qui prennent petit à petit diverses tonalités et un langage plus affirmé. L’exposition baptisée L’œil du labyrinthe, qui se déploie en deux parties; commence par un volet chronologique qui nous ramène aux débuts figuratifs de l’artiste, jusqu’à sa relation privilégiée avec le couple Kathleen et Pierre Granville en passant par les diverses périodes mouvementées de sa vie qui ont vu naître ses peintures évanescentes mais aussi des tableaux aux teintes beaucoup plus prononcées peintes selon les multiples humeurs du moment. C’est donc une œuvre complète qui nous offre le Musée des Beaux-Arts de Dijon, une exposition qui ravit tout visiteur.

Des récits et des œuvres

Le premier volet de l’exposition présente plusieurs œuvres déterminantes dans le cheminement intellectuel de l’artiste, des peintures où font irruption la grille, le damier et la spirale. Un vocabulaire sensible qu’elle déploie également après les quelques années de son exil au Brésil. L’occasion aussi de révéler une Vieira da Silva qui a mené une recherche ouverte ravissant les débats esthétiques de l’époque. Nous nous trouvons en présence d’une multitude de tableaux influencés par l’effet de l’optique mais aussi l’architecture et la musique. L’exposition se poursuit avec une quarantaine de toiles provenant de collections particulières et nombre d’institutions prestigieuses en France comme le Centre Pompidou, le musée Cantini de Marseille, le musée de Colmar ou des fondations comme la Fondation Arpad Szenes – Vieira da Silva, la Fondation Calouste Gulbenkian ou encore la fondation Gandur pour l’art. Citons également la galerie Jeanne Bucher Jaeger, partenaire de l’exposition aui a prêté un nombre exceptionnel d’œuvres.

Le second volet de l’exposition explore la relation d’amitié avec le couple Kathleen et Pierre Granville. Baptisée L’œil des collectionneurs, cette partie se concentre sur l’intimité de l’artiste mais aussi ses amis. Nous découvrons une autre facette de l’artiste, plus naturelle, plus intimiste, Vieira da Silva n’est plus l’artiste adulée aux multiples distinctions mais l’amie qui entretient une grande complicité avec le couple qui a légué ses œuvres au musée. Plusieurs photos d’époque nous montrent la jeune Vieira da Silva au bord de l’eau, dans le salon de ses amis, on y trouve également des correspondances de vacances avec des traits d’humour qui ont caractérisé l’amie qui était. Côté peintures, on retrouve ses répétitions autour des villes, les fameux carreaux et damiers de ses débuts qui reviennent mais aussi des cheminements vers la non-figuration, bref, des morceaux de la vie de l’artiste ainsi que des œuvres inédits.

Quelques coups de cœur et de belles découvertes

Parmi les découvertes inattendues de cette exposition, je cite la Sirène où Vieira da Silva crayonne son amie Kathleen Granville en lui donnant un aspect de sirène mais aussi les quelques cartes postales envoyées par l’artiste sur lesquelles Vieira da Silva ajoute sa patte et complète la photo d’un manoir inachevée qui deviendra plus tard sa maison de campagne. Quant à mes coups de cœur, ils sont nombreux mais comme il faut choisir j’opte pour Ville au bord de l’eau, où l’artiste présente Lisbonne, sa ville natale à travers un imaginaire qui croise des lignes et des traits où jaillissent des figures et des ouvertures, le tout sur un fond clair, presque transparent et cristallin. Ainsi, une ville imaginaire, flottante et en apesanteur, prend petit à petit, sous les traits d’une lumière voilée, les traits de Lisbonne. Un autre coup de cœur, c’est la Cathédrale engloutie, une œuvre empreinte de sensibilité où l’imaginaire joue le rôle essentiel, une peinture aux petites touches très caractéristique du personnage de Vieira da Silva où sous une multitudes de traits, se dessine une forme alambiquée superposant les figures sous divers aspects. Et pour finir, Urbi et Orbi, la plus grande des œuvres de l’artiste et celle qui a compté parmi les chefs-d’œuvre de la collection, une peinture toujours présente à Dijon dont le titre avait été choisi par Pierre Granville et qui résume à elle seule toute la minutie de Vieira da Silva. L’œil du labyrinthe, une rétrospective de l’œuvre de l’artiste-peintre à découvrir sans tarder!

La Sirène encre de Chine, plume sur papier double face, 1936 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969, © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris 2022
La Scala ou les yeux huile sur toile 1937 © Faujour / Courtesy Galerie Jeanne Bucher Jaeger, Paris
La Ville rouge huile sur toile, 1947 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969, © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris
Cathédrale engloutie aquarelle sur papier, 1949 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris 2022

Une exposition à découvrir au musée des Beaux-Arts de Dijon du 16 décembre 2022 au 3 avril 2023