Thea Djordjadze à Saint-Étienne

Thea Djordjadze à Saint-Étienne

Thea Djordjadze à Saint-Étienne

© Maka Kukulava

C’est une première, l’artiste géorgienne Thea Djordjadze qui vit et travaille à Berlin, vient d’avoir sa première exposition personnelle en France. Après Portikus de Francfort en 2018, le Kunst Museum Wintherthur en 2019 et le Martin Gropius Bau à Berlin en 2021, c’est au MAMC+ de Saint-Etienne que vous pouvez visiter l’exposition personnelle de Thea Djordjadze, se déambuler parmi ses œuvres et découvrir la mise en scène savamment orchestrée par Aurélie Voltz, la directrice du musée.

Se souvenir et témoigner

Intitulée « Se souvenir et témoigner », l’exposition rassemble plus d’une soixantaine d’œuvres réalisées depuis 1993 par Thea Djordjadze. Dans les espaces d’exposition que le visiteur explore, les œuvres agencées mélodieusement à l’instar d’un long poème, mettent en avant plusieurs matières et une multitude de textures qui dialoguent subtilement entre eux et avec leur environnement. Certains sont comme sortis de l’imaginaire, d’autres dialoguent par strates mais tous racontent des histoires. Des histoires riches dont les uns proposent une expérience plus libre, basée sur la perception immédiate des résonances entre les objets, le volume de l’espace ou encore la lumière, parfois même avec la salle ou mieux avec l’architecture. Bref, jusqu’à ce que l’observateur se retrouve dans l’œuvre, il l’adopte et crée sa propre narration.

Une exposition plurielle

L’exposition est plurielle, elle commence par un procession lent, à travers quelques œuvres de l’artiste pour arriver à son apogée à la fin du parcours. Ce dernier, aussi initiatique que révélateur, nous plonge dans les différents états d’âme de la créatrice qui, à travers chacune de ses œuvres, occupe l’espace.  Le visiteur peut ainsi découvrir par ici un tapis enroulé, par là un immense paravent métallique, ailleurs plusieurs étagères en bois, un peu plus loin des configurations géométriques en plâtre ou encore des parois en aluminium poli, des objets en lévitation, d’autres en équilibre, bref, une multitude d’œuvres singuliers et atypiques. Des formes, des armatures, des structures mais aussi des squelettes chimériques qui bousculent l’ordinaire, ranime la mémoire des objets et génère une nouvelle vitalité propre au lieu, ici le MAMC+.

Thea Djordjadze et l’architecture

Thea Djordjadze s’intéresse beaucoup à l’architecture. Quand elle parle d’architecture, elle évoque, son admiration pour certains grands architectes modernes, elle évoque aussi l’architecture domestique, du quotidien, celle que nous rencontrons tous dans nos villes. Le MAMC+ de Saint-Etienne réalisé par l’architecte Didier Guichard et sa forme à la fois basique et rectangulaire mais très pratique, se prête à l’idée que l’artiste possède de l’appropriation de l’espace. Nous pouvons parler également de l’influence de l’architecture sur l’œuvre de l’artiste. A plusieurs reprises, lors de l’exposition, les références architecturales interpellent les visiteurs. Donnons l’exemple de la fameuse Villa Savoie de Le Corbusier qui se retrouve évidée, gardant juste ses contours et encollée à un mur, des escaliers en bois que l’artiste démantèle et dont chaque fraction devient une œuvre à part entière. Des boîtes géantes qui meublent l’espace, comme des constructions dans la construction et qui entament un fin dialogue entre contenu et contenant. Les exemples sont nombreux et les découvertes tout aussi inattendues et exaltantes.

L’apogée du parcours  

L’exposition prend fin d’une manière très fortuite. Comme un jeu de trésor et après avoir parcouru plusieurs espaces riches en expressions, nous découvrons, finalement la grande surprise de l’exposition. Il s’agit d’une œuvre singulière où à l’instar d’un croquis de Frank Gehry plusieurs formes, objets et figures, se relient, se superposent, s’attachent, dans un chaos ordonné qui occupe l’espace. Comme si nous nous trouvions dans la boîte à outil de Thea Djordjadze, dans son imaginaire le plus profond, dans l’œuvre avant l’œuvre. C’est dans ce désordre que l’artiste puise ses idées, coordonne ses pensées et crée ses compositions. Dans cette salle du musée, l’exposition prend fin sans jamais se terminer.  

Thea Djordjadze travaille des matériaux comme le plâtre, le bois, la céramique, le verre, mais aussi le tissu, l’éponge, le savon, le carton ou le papier mâché, tous assemblés dans un mouvement sensible, où les pans se heurtent, se croisent ou adoptent certaines compositions hybrides. Le contenu et le contenant entament toujours un dialogue des plus improbables pour un résultat singulier qui porte bien la signature de l’artiste. « Se souvenir et témoigner » est l’exposition phare qu’il faut aller découvrir au MAMC+ jusqu’au 15 mai 2022.