A Paris, la Canopée en mode limule !

A Paris, la Canopée en mode limule !

© Sipane Hoh
© Sipane Hoh

A ceux qui sont perchés sur leur balcon, le plan de masse, aux usagers des transports en commun les sombres tréfonds et les viscères loin de la lumière du jour, aux touristes et aux shoppeurs un centre commercial customisé, un de plus mais celui-ci bien placé. Les Halles parisiennes d’autrefois recouvertes de « La Canopée » viennent d’être inaugurées !

Les avis divergent et les langues se corsent, en France comme chez nos voisins britanniques les critiques affluent et les mécontents grondent. D’une part les finances d’autre part l’aspect. Alors que la première étale des chiffres qui sont bien réels et difficiles à dissimuler, la seconde, plus subjective est à prendre avec la plus grande méfiance mais quand il s’agit d’un constat négatif pour les deux, l’architecture de Patrick Berger et de Jacques Anziutti ternit et son image flétrit.

Quand les politiques s’emmêlent les pinces.

Le coup d’envoi des travaux des Halles avait été donné à l’ère de Bertrand Delanoë et c’est Anne Hidalgo, l’actuelle maire  de la ville lumière qui en assume les conséquences. Cependant, une partie du projet n’est toujours pas terminée, faut-il attendre la fin du fin pour pouvoir se prononcer ?

Les grands critiques d’architecture n’ont pas demandé l’autorisation ni attendu l’inauguration, tandis que trois jours avant le grand évènement Fréderic Edelmann commençait son impeccable tirade par : « Faire plus moche et bricolé que les pavillons construits en 1985 par Jean Willerval pour couronner le Forum des Halles dessiné par Vasconi et Penchreac’h, c’était sans doute impossible. La Ville de Paris, pourtant, s’était exercée à imaginer des formules de concours, mais ils ne laissaient guère de chance de faire advenir un projet de raison. » à Londres, après sa visite parisienne, Oliver Wainwright termine son article en achevant l’ensemble : « Le projet d’origine, des années 1970, a fait l’objet d’un catalogue brouillé de faux départs et d’ambitions contrariées, comme les présidents successifs et les maires où chacun annulait le travail de son prédécesseur. Comme un monument accidenté, une chute d’eau jaillit maintenant de la canopée à la nouvelle entrée des Halles: elle pourrait être l’assemblage des larmes de chaque politicien qui a essayé d’imprimer sa marque sur ce site problématique. »

Alors que l’architecture est largement contestée, quelques utilisateurs des lieux semblent néanmoins bien s’amuser. D’autant plus qu’une partie publique est prévue dans le projet. Le conservatoire ou la médiathèque ainsi que la Maison des pratiques artistiques ne font qu’aiguiser la curiosité. Malheureusement, ces derniers aussi intéressants soient-il semblent être ensevelis sous la grande chape de la Canopée.

Les riverains piégés par les croquis aériens.

A Londres, les défenseurs de la fameuse ligne d’horizon ont mis des années avant d’accepter ne serait-ce qu’un édifice plus haut que la cathédrale Saint-Paul, à Paris, selon le cahier des charges du projet, la hauteur de la Canopée devait respecter les hauteurs des bâtiments alentours (dont l’église Saint-Eustache). Le résultat, aussi oppressant soit-il n’est donc pas une bévue d’architecte mais la conséquence légale d’un embrouillamini de lois et décrets inextricables.

Malgré les quelques séduisants jeux d’ombres et de lumières à des heures bien déterminées et seulement les jours abondamment ensoleillés, la légèreté ainsi que la transparence de la structure laissent bien à désirer surtout quand dans le Courrier de l’architecte, Jean-Philippe Hugron nous ramène à des constructions bien plus anciennes en faisant référence à l’un des Pritzker qui manipulait le mieux cette potentialité. « Pourtant, ici et là, les acteurs du colossal chantier aiment à répéter, malgré ce triste aveu municipal, que la Canopée pèse 7.000 tonnes, soit 500 de moins que la Tour Eiffel. N’en déplaise à Anne Hidalgo, l’architecture est aussi une question de poids. Plus encore quand l’un des architectes de la Canopée, Patrick Berger, défendait, il y a quelques temps, avoir travaillé à Stuttgart dans l’atelier de Frei Otto. »

Dans la Canopée, l’architecture et l’ingénierie se sont frottées comme elles l’ont toujours fait mais cette fois-ci l’objet de la discorde est trop visible. Il s’agit de faire tenir un « monument » qui demandait à trouver sa place et à être accepté. La poésie architecturale du départ que certains ont cru apercevoir sous forme de légèreté sur les papiers glacés ne pouvait pas tenir sa parole logiquement dans les conditions annoncées, confrontée aux faits.

L’architecte qui a gardé les piliers en béton de l’ancienne structure afin de mieux stabiliser les étages en sous-sol, a opté concernant la partie visible pour un voile complexe composé de 18000 lamelles de couleur jaunâtre qui comme la bouche d’une gigantesque limule semble engloutir les passants qui l’abordent. Et pour les visiteurs qui se trouvent en dessous, le ciel de Paris semble bien loin, le cœur de la ville qui a reçu la cop21 cette année,  aussi palpitant soit-il, devient plutôt un passage géant. Espérons que ce dernier tienne un peu plus longtemps que le précédent.

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4 commentaires

  1. Je suis passée au Lego Store cette semaine. Je n’ai pas pris le temps de visiter car mon assistant était trop impatient, mais le peu que j’ai vu m’a plu. Il faut savoir que je détestais Les Halles d’avant…

  2. La dépression centrale, lié à la grande portée, engendre une sensation d’oppression.
    Le jaune paille délavée n’arrange rien, c’est Jonas dans le ventre de la baleine 😀
    Pour une « canopée », un vert jeune feuille eut été préférable.

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