Requalifier des friches industrielles via une architecture futuriste qui relaye l’histoire du lieu, le tout situé à deux pas d’une place classée par l’UNESCO ? De nombreuses villes l’ont rêvé, Modène, en Italie, l’a fait. Via la construction du nouveau musée Ferrari, la ville italienne entérine sa présence dans les annales de l’architecture du XXIe siècle.
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Qui ne connaît le vinaigre balsamique de Modène, cité italienne située dans la province d’Emilie-Romagne ? Hormis cette spécificité culinaire, les passionnés de voitures connaissent sans doute Maranello et sa prestigieuse usine Ferrari.
Quid de l’architecture ? Le centre historique de Modène regorge de merveilles fréquemment visitées. Par exemple, la cathédrale et le palais des ducs de Modène ainsi que le Duomo, la Torre Ghirlandina et la Piazza Grande, ces trois derniers bâtiments étant inscrits au patrimoine de l’UNESCO. Une architecture patrimoniale donc.
Parmi tous ces repères du passé, non loin de la gare, entourée d’une friche industrielle, se tient une petite maison. Au départ, cette demeure était la résidence natale d’Enzo Ferrari, l’enfant du pays devenu une figure internationale. La maison ainsi que l’atelier Ferrari et son terrain ont été vendus par Enzo en personne pour financer l’expansion de l’usine. Ils furent rachetés des années plus tard par la fondation ‘Casa Natale Enzo Ferrari’.
L’histoire du musée Ferrari commence le jour où cette fondation désire implanter un musée sur le terrain jouxtant la maison de Ferrari, en face des ateliers où les premières voitures emblématiques ont vu le jour.
Encore un musée à ‘Effet Bilbao’ ?
Il faut savoir que, à peine quinze kilomètres plus loin, à Maranello, existe déjà, depuis 1940, un musée Ferrari, véritable Disneyland local proposant moult attractions aux grands comme aux petits.
A Modène, l’ambition est toute autre.
L’idée même d’ouvrir la maison natale ainsi que le premier atelier de Ferrari au public et d’y ajouter un espace d’exposition fut chaleureusement applaudie.
Ce qui, en France, pourrait générer réactions négatives et violentes de la part de comités Théodule, n’a engendré à Modène que fierté nationale. Aux yeux des autorités ainsi que des habitants de la ville, il s’agit avant tout d’un hommage.
D’autant plus que le lieu est bien choisi. Via ce musée, une friche industrielle jusque-là délaissée se voit du jour au lendemain propulsée en avant de la scène internationale, sans compter l’aimant touristique que représente le projet.
Restait à trouver l’architecte. Après un concours lancé par la fondation ‘Casa Natale Enzo Ferrari’, l’agence londonienne Future Systems remportait le projet en 2003. Un choix osé vu que Jan Kaplický, l’architecte d’origine tchèque, était alors l’auteur de quelques-unes des constructions les plus audacieuses que compte l’Angleterre.
Le résultat fut à la hauteur de la renommée de l’architecte : un ovni flamboyant émergeant en pleine terre natale d’Enzo Ferrari, objet semblant tenir davantage d’une sculpture géante que d’un équipement.
En fait, la forme adoptée par l’architecte n’est qu’une traduction architectonique et volumétrique d’un morceau de carrosserie et ses ouvertures sur le toit font écho aux ouïes d’aération du capot des voitures. Une architecture imagée donc.
Quant au choix de couleurs, le toit jaune n’est pas une lubie mais la teinte de la première voiture Ferrari, couleur choisie en l’honneur du drapeau de Modène. Une architecture évocatrice.
Alors que l’aspect extérieur tranche avec l’environnement du bâtiment, les surfaces intérieures, immaculées, mettent l’accent sur les objets exposés. Le visiteur se déplace au sein d’un univers créé pour favoriser la contemplation d’une part, la documentation de l’autre.
Enfin, premier musée italien utilisant l’énergie géothermique, ce bâtiment est respectueux des dernières normes bioclimatiques.
En 2009, le décès de l’architecte Jan Kaplický et la dissolution de Future Systems posait la question cruciale de la réalisation de l’oeuvre. In fine, le projet fut repris en main par Andrea Morgante, ancien collaborateur de Jan Kaplický, qui aujourd’hui dirige sa propre agence, ‘Shiro Studio’.
Andrea Morgante est également intervenu sur la maison natale d’Enzo Ferrari et l’atelier, construits en 1830 par son père Alfonso Ferrari.
L’architecte a conservé telle quelle l’enveloppe de l’atelier et, à l’intérieur, il a procédé à un agencement sobre évoquant le défilement des pages d’un livre racontant les chapitres de l’histoire du lieu et du personnage qui l’a habité.
La construction du musée Enzo Ferrari de Modène n’est ni un acte de reconnaissance politique envers une région ni une déclaration de redynamisation d’une ville peu visitée. C’est un manifeste architectural qui met en avant l’épopée d’un lieu.
Sipane Hoh
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N.B.Cet article est paru en première publication dans le courrier de l’architecte le 12 décembre 2012.