Les villes invisibles

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Les villes invisibles

« Au centre de Foedora, métropole de pierre grise, il y a un palais de métal avec une boule de verre dans chaque salle. Si l’on regarde dans ces boules, on y voit chaque fois une ville bleue qui est la maquette d’une autre Foedora. Ce sont les formes que la ville aurait pu prendre si, pour une raison ou une autre, elle n’était devenue telle qu’aujourd’hui nous la voyons. A chaque époque il y eut quelqu’un pour, regardant Foedora comme elle était alors, imaginer comment en faire la ville idéale ; mais alors même qu’il en construisait en miniature la maquette, déjà Foedora n’était plus ce qu’elle était au début, et ce qui avait été, jusqu’à la veille, l’un de ses avenirs possibles, n’était plus désormais qu’un jouet dans une boule de verre.

Foedora, à présent, avec ce palais des boules de verre possède son musée : tous ses habitants le visitent, chacun y choisit la ville qui répond à ses désirs, il la contemple et imagine qu’il se mire dans l’étang des méduses qui aurait dû recueillir les eaux du canal (s’il n’avait été asséché), qu’il parcourt parché dans un baldaquin l’allée réservée aux éléphants (à présent interdit dans la ville), qu’il glisse le long de la spirale du minaret en colimaçon (qui ne trouva plus le terrain d’où il devait surgir).

Sur la carte de ton empire, ô Grand Khan, doivent trouver place aussi bien la grande Foedora de pierre et les petites Foedora dans leurs boules de verre. Non parce qu’elles sont toutes également réelles, mais parce que toutes ne sont que présumées. L’une rassemble ce qui est accepté comme nécessaire alors qu’il ne l’est pas encore ; les autres ce qui est imaginé comme possible et l’instant d’après ne l’est plus. »

Il s’agit d’un extrait du livre « Les villes invisibles », de l’écrivain Italo Calvino, un livre riche de passages où les urbanistes d’aujourd’hui se retrouvent, pour tracer une ville, penser la ville ou tout simplement rêver La Ville…

7 commentaires

  1. François

    Dans la préface de son livre Calvino trouve étonnant que certains amis urbanistes se retrouvent dans ses textes. Il pose des questions fondamentales sociales et urbanistiques peut être sans le vouloir,avec l’esprit de l’écrivain mais qui touchent les limites de la pensée de l’organisation des villes. De nombreuses questions qui nous paraissent fondamentales mais sans réponses.
    Excellent livre!

  2. Cet extrait laisse bien songeur & rêveur…
    Mais souligne ici le fait qu’en architecture, il n’y a point de mauvaises idées, juste qu’elles ne « paraissent » pas convenir en un temps donné…
    Et pour citer Thomas Bernhard, « les idées de [notre] temps sont toujours en avance sur [notre] temps »…
    Un bouquin qu’il faut donc que j’achète ^^ Merci pour la découverte.

  3. François:
    Exacte, l’auteur lui-même s’étonne que certains urbanistes trouvent d’importantes questions dans son livre.

    Scrapper’s Run:
    Oui, comme tu dis songeur et rêveur, d’autant plus que ce livre pour une fois n’est pas écrit par un architecte ni un urbaniste mais un écrivain qui a su se poser ces questions d’une manière très poétique. Je te conseille de le lire, c’est plus un roman qu’un livre abstrait.:)

  4. Peut-être que Calvino, en étant pas ni un architecte ni un urbaniste, a pu lancer des idées que à, l’époque. ni architectes ni urbanistes pouvaient promouvoir. Dans une période où l’urbanisme et l’architecture étaient pris par le rêve de la technologie et de la consommation, les villes invisibles offrent un nouvel regard sur la société, plus centré sur l’homme, ses désirs et sa perception de la ville.
    Un regard qui se mélange bien avec celui de Jane Jacobs (Cities and the Wealth of Nations) et qui on peut retrouver, 35 ans après, dans le travail de Richard Florida (Who’s your City?)

  5. Merci pour ces deux exemples et ton commentaire Marco. Il faut dire que parfois un regard « extérieur » comme celui de Calvino dans ce livre touche autant si ce n’est plus que celui d’un « spécialiste ». La preuve c’est qu’aujourd’hui Calvino est donné comme un exemple alors qu’il n’est ni architecte ni urbaniste.

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