Et l’eau coula de nouveau au Palais Idéal

Du 15 mai jusqu’au 6 novembre, l’artiste Jean-Michel Othoniel revient sur l’un des lieux emblématiques où il venait dans son enfance, et jusqu’à ses 17 ans, pour entamer un dialogue des plus originaux. Celui de l’art contemporain avec un monument historique. Un exercice délicat et complexe que l’artiste accomplit avec adresse.
Le rêve de l’eau
Le Palais Idéal ? Ce lieu patrimonial et muré dans son histoire, difficile d’appréhender et parfois même de comprendre, se révèle grâce à l’intervention de Jean-Michel Othoniel en une véritable scène théâtrale où les personnages sont les différentes œuvres de l’artiste qui se cachent dans les interstices, se dissimulent dans les coins secrets, s’implantent là où on ne les attend pas, bref, s’approprient l’espace. Dans cet univers fantastique minéral dominé par la présence de la pierre, de la chaux, des cailloux et des coquillages, l’eau coule et participe comme une musique à écrire une partition unique.
L’exposition baptisée « Le rêve de l’eau », a été créée spécialement pour le Palais Idéal. C’est la première fois qu’une exposition habite l’œuvre grandeur nature du Facteur Cheval mais aussi son jardin. L’intervention respire la délicatesse, se déploie au carrefour du sensible et de l’imaginaire, les différentes œuvres de l’artiste revivifient ces vestiges murés trop longtemps dans leur coquille. C’est un appel à la joie, une invitation au voyage, un manifeste à la découverte de l’art contemporain sous un nouveau visage. Dans ce lieu chargé d’histoire, dans cette demeure que Jean-Michel Othoniel a découvert dans son enfance, rien n’a changé. Figée pour l’éternité, l’œuvre du Facteur Cheval s’ouvre à l’art et pas n’importe lequel, la sculpture.
Invité par le directeur du Palais idéal, Frédéric Legros, Jean-Michel Othoniel relève le défi qui consiste pour la première fois à faire rentrer la sculpture au Palais. De ce fait, l’artiste, investit les grottes, les niches, les coins et les recoins qu’il a parcourus enfant, par des interventions « homéopathiques » comme il aime bien le dire mais tout aussi révélatrices. Et pour la première fois, l’eau coule au sein même de la réalisation du Facteur Cheval, comme ce dernier le souhaitait, le Palais revit, impressionne et fascine. Les fontaines, bassins et sources se réveillent ainsi de leur long léthargie, le temps de l’exposition pour exaucer le rêve du bâtisseur des lieux. Réalisées en verre de Murano et en verre miroité bleu indien, les sources qui s’immiscent dans l’œuvre du facteur Cheval entament un fin dialogue avec le lieu.
Lors de la venue d’illustres visiteurs, le facteur Cheval animait la « Source de vie » en faisant jeter des seaux d’eau pour que la façade devienne une fontaine. Cette cascade qui occupe la façade Est se voit réincarnée grâce à l’intervention de l’artiste. Quatre autres fontaines sont placées dans les niches de la façade Nord. L’eau coule, scintille et séduit tout visiteur.
Le Songe de l’art
Les interventions de Jean-Michel Othoniel sont d’une telle délicatesse qu’elles embellissent sans léser, agrémentent sans modifier et relèvent sans remplacer. Par ici une sculpture de briques dorées réalisées en Inde, Par là, deux sculptures lumineuses qui reprennent la forme de la fameuse et unique Pierre d’achoppement qui a donné naissance au Palais idéal, ailleurs, les six vitraux s’accrochant aux ouvertures existantes et viennent teinter la lumière pénétrant dans la galerie du Palais idéal. Quid de la terrasse ? Avec l’intervention de l’artiste même les pots dans lesquels le facteur Cheval plaçait des plantes trouvent leur écho à travers les compositions de verre conçus par l’artiste à l’occasion. Notons par ailleurs que les sphères en verres sont confectionnaient autour d’une tige en métal qui les tient, ne serait-ce pas à son tour un clin d’œil aux tiges métalliques utilisées par le Facteur Cheval pour consolider ses œuvres ?
A l’intérieur des espaces d’expositions du Palais idéal, quelques œuvres déjà existantes dont une multitude d’aquarelles complètent la parade. L’exposition se termine par Precious stonewall, une œuvre de 2010 qui a été montrée une seule fois jusqu’alors au Centre Pompidou et qui se matérialise ici sous la forme d’un grand mur. Nécessitant quatre tonnes de verre miroité ambre il traverse l’espace mais aussi le temps en embarquant le visiteur dans un voyage sensoriel qui aboutit sur la Grotta Azzurra, cette œuvre mi-fontaine, mi-temple qui tisse un lien fragile entre le passé et le futur entre le Facteur Cheval et Jean-Michel Othoniel. C’est sur cette note que se termine l’exposition, une manifestation qui prend ses sources dans les tréfonds du Palais Idéal et qui place l’art contemporain sur un piédestal. Le Rêve de l’eau devient le Songe de l’art.
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