Si les bâtiments étaient des paysages…
Intitulée If Buildings were landscapes, l’exposition qui se déroule en ce moment à Paris, à l’Atelier néerlandais, est le travail de longue haleine de Daniel Jauslin. Une manifestation qui fait suite et clos dix ans de recherches et qui revient sur les travaux d’œuvres clés de Rem Koolhaas, de Peter Eisenmann et de Sejima Nishizawa.
Si les bâtiments étaient des paysages, nous pouvons nous demander : quel serait le rôle de l’architecture ? Et des architectes ? Comment se comporteraient ces derniers ? Comment dessineraient les architectes s’ils voulaient construire des paysages à l’intérieur? Et pourquoi le feraient-ils? Des questionnements auxquels a essayé de répondre Daniel Jauslin lors de la présentation de sa thèse doctorale « Landscape Strategies in Architecture » et que l’on trouve aujourd’hui, sous forme d’une exposition au 121, rue de Lille, à l’Atelier néerlandais.
Une impressionnante immersion dans l’œuvre inachevée d’OMA
L’exposition commence par le projet parisien non-réalisé, de l’agence néerlandaise OMA, il s’agit du projet de deux bibliothèques pour l’université Paris Jussieu. Une conception dont le but était d’améliorer le campus moderniste datant d’après-guerre. En effet, ce grand complexe sur pilotis, situé non loin de la Sorbonne et du Jardin des Plantes, construit d’après les plans de l’architecte parisien Edouard Albert de 1966 et achevé après sa mort, aurait été accompli par l’ajout du centre de conférences et des deux nouvelles bibliothèques universitaires, intitulées Sciences et Humanités. Le projet d’OMA et de Rem Koolhaas aborde un langage novateur qui a intéressé Daniel Jauslin pour en faire l’un de ses bases pour son étude. Selon l’architecte, le projet de Koolhaas peut être perçu comme l’ancêtre d’un nouvel urbanisme paysager (landscape urbanism). Cependant, soulignons que, suite aux changements politiques en 1993, les deux bibliothèques n’ont jamais vu le jour. Comment faire pour continuer ses études prenant l’exemple sur un projet non-réalisé ? Daniel Jauslin devait se contenter des divers images de synthèse. C’est ainsi que la réalité virtuelle prend toute son importance. L’architecte réalise, avec l’aide de jeunes architectes de l’université de Delft et avec les diverses déclarations du chargé de projet de l’époque chez OMA, Christophe Cornubert, une visite virtuelle 3D du bâtiment que tout visiteur de l’exposition peut expérimenter. Une impressionnante immersion dans l’œuvre inachevée d’OMA.
If buildings could talk…
L’exposition suit son cours et nous pouvons découvrir dans une autre salle un projet, réalisé cette fois-ci en 2010. Il s’agit du Rolex Learning Centre de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, conçu par les architectes japonais SANAA. D’ailleurs, une remarquable maquette, qui s’avère être la maquette originale du concours, fait partie de l’exposition. Une autre exclusivité retient l’attention, il s’agit de l’installation 3D « If buildings could talk… », réalisée par le cinéaste Wim Wenders pour la biennale d’architecture de Venise qui a eu lieu en 2010. Grâce à des lunettes 3D, le visiteur peut regarder les architectes Kazuyo Sejima et Ruye Nishizawa qui se promènent au sein de leur projet.
Sur les pas de Peter Eisenmann
La troisième partie de l’exposition se focalise sur le projet de la Cité de la Culture de Galice. Représenté à travers une reproduction numérique animée d’une maquette originale, nous écoutons l’architecte Peter Eisenmann qui explique sa conception. Il s’agit de l’intégralité de la conférence « Genius Loci and the Zeitgeist » tenue par Eisenmann à l’Institut d’études en Architecture et Urbanisme Berlage à Rotterdam en 2010 où il explique son architecture, exprime son penchant pour le déconstructivisme et termine avec une réflexion sur son œuvre réalisée pour conclure avec son dernier livre, publié en 2020, Lateness.
Comme le projet d’Eisenmann n’a pas pu être achevé, Daniel Jauslin propose de combler ce vide par un projet paysager. Comme s’il se demandait si le vide était un paysage ? Notons par ailleurs, que, depuis 2013, suite à un décret parlementaire l’ensemble est resté intact. Qu’advient-il au vide censé être comblé ? Sachant que ce bout de terrain ne peut pas rester véritablement indemne, le sol bouge, la vie continue et la terre frémit. C’est dans ce contexte inédit qu’en se basant sur les principes architecturaux d’Eisenmann, le projet chimérique de Daniel Jauslin prend tout son sens. Transformer les terres excavées (issues du chantier interrompu d’un opéra et d’un deuxième musée) en pépinière.
Néanmoins malgré les trois grands pôles de l’exposition qui se basent sur les théories et les hypothèses de Daniel Jauslin, nous ne pouvons pas négliger les quelques clins d’œil à l’histoire de l’architecture, au style Prairie de Frank Lloyd Wright, aux divers courants écologiques et surtout à la durabilité de la construction. Si les bâtiments étaient des paysages…ils pouvaient durer plus longtemps !
Daniel Jauslin vient de s’installer en France et fonde l’antenne française de DGJ Paysages.
Si les bâtiments étaient des paysages … l’exposition à découvrir à l’atelier néerlandais jusqu’au 22 mai 2022.