« Architextures et Perspectives », l’exposition phare à déguster

« Architextures et Perspectives », l’exposition phare à déguster

Agnès Varda Autoportrait, église de Fossé (Ardennes) 1955 © succession varda

C’est dans le joli village de Hauterives, loin du brouhaha des grandes villes, dans un lieu exceptionnel, au sein du Palais Idéal du Facteur Cheval, que se déroule, en ce moment, et depuis le 16 octobre 2021 l’exposition « Architextures et Perspectives ». Une localité hors-norme où le visiteur peut découvrir entre autres, les cabanes de la grande réalisatrice Agnès Varda.

Des œuvres dans l’œuvre

Qui ne connait le Palais Idéal ? Élu comme le deuxième monument préféré des français, il s’agit de la construction d’un seul homme, le Facteur Cheval, qui a mis 33 ans pour parachever son œuvre. Cette dernière, qui donne l’impression à première vue d’un patchwork aléatoire où se croisent anarchiquement, plusieurs formes, teintes et textures, révèle, à l’instar d’un tableau de Bruegel ou d’une réalisation de Friedrich Hundertwasser, un condensé de petits détails qui fabriquent une véritable épopée. C’est une histoire personnelle, familiale, régionale qui peut devenir universelle.  Tout d’abord personnelle car il s’agit des découvertes, des perceptions, des interprétations d’une seule personne, familiale car il s’agit malgré tout de l’histoire d’une famille, de celle du Facteur Cheval, de sa femme qu’il souhaitait savoir enterrée à ses côtés, dans ce lieu fantastique, une histoire régionale car c’est avec les pierres de la région qu’il a bâti cet empire et finalement une histoire universelle car les messages que l’auteur a tenté de transmettre sont des déclarations capables de traverser le temps et les frontières, bref, le Palais Idéal se rapproche d’une belle allégorie où tout le monde trouvera quelque chose qui lui parle.  

« Architectures et Perspectives » est conçue par Julia Fabry, la collaboratrice d’Agnès Varda et Frédéric Legros, directeur du Palais idéal. L’exposition explore les liens tissés par la réalisatrice avec l’architecture. Le bâtisseur de ce lieu n’étant pas architecte, Agnès Varda non plus, nous nous trouvons à la croisée d’œuvres de deux artistes à part entière, passionnés de ce qu’ils ont accomplis et de ce qu’ils nous ont légués. Il s’agit des œuvres dans l’œuvre, qui ont été mises en valeur avec la plus grande subtilité mais aussi avec la plus délicate des scénographies pour une narration exquise qui a traversé les ans. Ainsi, l’un des bâtiments préférés des français, classé aux Monuments historiques, ce grand manoir drômois aux allures d’Angor Vat, où l’architecture puise dans la nature mais aussi dans une multitude de références mondiales, abrite aujourd’hui, la deuxième partie d’une trilogie que, Fréderic Legros le directeur du Palais, m’a fait visitée.

Une découverte unique

Qui ne connait Agnès Varda ? Qui ne connait le Facteur Cheval ? Deux personnalités, deux tempéraments mais plusieurs points communs : la passion, l’indépendance, la témérité et la détermination, le tout dans un esprit imaginaire qui nous transporte dans un monde fantastique à la fois expressif et irréel pourtant si proche et ancré dans le réel. Tandis que l’une a conçu, entre autres merveilles, des maquettes de cabanes, l’autre a bâti une œuvre unique certes mais tout aussi multiple.

L’exposition présente quatre maquettes de cabanes, des petites œuvres fabriquées en 2017 par Agnès Varda. Nous pouvons trouver la maquette de la Cabane de l’échec devenue Cabane de cinéma, qui est également la première de ses cabanes. Elle a été conçue en 2006 à partir du film Les Créatures (1965). Tandis que la maquette réalisée à partir du film La Pointe Courte (1954) prend la forme d’une coque de bateau échouée visible dans le film, celle de la Serre du Bonheur (dont le film date de 1964) est remplie de tournesols. N’oublions pas la maquette de la tente du film Sans Toit Ni Loi (film de 1985) dans laquelle repose, d’une manière tout à fait inattendue, un petit sac à dos, bien mis en avant, qui attire l’attention de tous. Les quatre maquettes balayent en un coup d’œil presque trente ans d’histoire. Il s’agit forcément d’un moment magique et d’une découverte unique pour les admirateurs de Varda mais aussi pour tous les curieux. Un petit coup de cœur pour moi, car notons par ailleurs que la maquette est et reste le grand bien aimé dans le processus de l’élaboration et la concrétisation de toute architecture.

« Je bâtis des cabanes avec les copies abandonnées de mes films. Abandonnées parce qu’inutilisables en projection. Devenues des cabanes, maisons favorites du monde imaginaire. » Comme si c’était le recyclage avant l’heure. Nous pouvons dire qu’Agnès Varda n’était pas seulement une photographe hors pair, une réalisatrice de renom mais aussi une architecte à ses heures perdues.

Des matières et des textures

Que ce soient les maquettes des cabanes ou les photographies qui s’exposent dans ce lieu singulier, tous montrent l’attachement d’Agnès Varda à cet endroit gigantesque, le Palais Idéal qu’elle a visité pour la première fois dans les années 50 et n’a cessé d’y revenir. La photo n’étant qu’un simple témoin de la relation intime entre Varda et l’architecture, l’exposition comporte une série de photoportraits que le visiteur peut contempler. Le Palais du Facteur Cheval et Agnès Varda deviennent ainsi inséparables dans la mémoire des gens.

De même, lors de notre déambulation, la découverte d’une multitude de photos prises dans diverses cités françaises nous interpellent. Par ici la terrasse du bâtiment de Le Corbusier à Marseille, identifiable de tous, par là, les sculptures Jeux de Pierre Székely à Clamart en passant par les cabanes de pêcheurs sur la plage de Sète, des souvenirs mais aussi des clichés inédits, le tout mettant en avant les lieux traversés par la grande Dame. L’exposition, qui est la deuxième partie d’une trilogie dont le dernier volet est encore à venir, riche en photographies mais aussi en extraits de film, s’avère être un doux mélange de genre qui souligne la présence des matières et des textures dans l’univers capté par Agnès Varda, d’où la notion d’architexture comme fil conducteur.

Il y a très longtemps, le Facteur Cheval inscrivait sur les murs de son palais « Un jour, ce rocher dira bien des choses » c’est toujours d’actualité !

Agnès Varda Maquette du bateau de La Pointe Courte 2017 © succession varda courtesy galerie Nathalie Obadia
La terrasse du Corbusier © succession Varda 1956
© Palais idéal du facteur Cheval – Photographe _ Origins Studio

Architextures et Perspectives, Agnès Varda
Jusqu’ au 3 avril 2022 au Palais idéal du facteur Cheval