Quand la ville historique se dote avec bonheur d’une construction polémique

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Quand la ville historique se dote avec bonheur d’une construction polémique

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Architecture ‘nouvelle génération’, formes excentriques, constructions novatrices… Quand la cité historique accueille ces édifices jugés ‘révolutionnaires’, les réactions sont souvent diverses, voire polémiques. A Murau, en Autriche, un village médiéval montre à qui veut bien l’entendre que l’audace architecturale est la meilleure amie du patrimoine.

Autriche | Architektur Steinbacher Thierrichter

Il fut un temps, le discours architectural était réservé aux institutions professionnelles et académiques. Depuis une dizaine d’années, au moins, des patronymes auparavant inconnus du grand public – des noms comme Gehry, Foster, Koolhaas ou Nouvel pour en citer quelques-uns – sont devenus pourtant éponymes d’architecture et occupent les titres de presse, quelles que soient d’ailleurs les qualités de leurs réalisations.

Aujourd’hui, les acteurs urbains misent sur une signature afin semble-t-il, pour les plus audacieux, que la nouveauté suscite un débat dans la communauté, qu’au moins ces greffes griffées puissent habilement, pour les plus prudents, faire évoluer les idées reçues sans trop bousculer le patrimoine préexistant.

Il est acquis que les bâtiments neufs peuvent changer fondamentalement l’image de la ville historique, que cette flambée de réalisations est orchestrée pour une meilleure santé économique de la ville et que l’architecture nouvelle contribue à sa manière à dynamiser l’image des villes historiques. Quand ça marche !

Cette problématique est prégnante dans les grandes métropoles – l’effet Bilbao – là où le manque de foncier est une contrainte en soi. Quand cette dernière se révèle prépondérante, les constructions neuves ‘l’emportent’ et le bâti ancien est obligé de cohabiter avec ces «objets étrangers». Cela écrit, il ne s’agit que de la dernière mutation naturelle de la ville, qui en a connu bien d’autres, dont l’architecture est partie prenante, depuis le début.

Plus intriguant est le cas d’un village médiéval qui, du jour au lendemain, se projette au coeur de cette problématique. Prenons Murau, une commune autrichienne de 22.000 habitants. Les architectes Architektur Steinbacher Thierrichter viennent d’y livrer une extension, un projet qualifié d’«osé».

Murau, avec ses maisons de couleurs pastel et son patrimoine architectural typique, se trouve en Styrie. Pour les amateurs de ski, de golf ou de randonnée, c’est une destination touristique prisée toute l’année.

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La Styrie, dont Graz est la grande ville, est louée depuis la nuit des temps pour son courage envers l’architecture contemporaine. Architectes et urbanistes de la région sont donc convaincus qu’un accord entre ville historique et architecture inventive est toujours possible. Au point pour d’aucuns d’invoquer «l’école de Graz» chaque fois que cette improbable alliance est évoquée.

Le tissu patrimonial de Murau, ville millénaire, fait sa renommée ; aujourd’hui plus qu’hier, malgré les controverses, avec l’arrivée de l’extension signée Architektur Steinbacher Thierrichter, une conception à connotation «futuriste»*.

Grâce à l’interaction du bois avec l’acier, les architectes ont conçu un volume en porte-à-faux greffé sur les anciennes murailles du XIIIe siècle. Une performance structurelle pour une technologie hybride (bois et acier) qui a donné un résultat intéressant. Il se trouve que le bois utilisé pour réaliser l’extension de l’ancien café-bar vient des alentours.

Plus subtilement encore, l’ouvrage ouvre l’une des plus belles vues sur la ville historique, sur la rivière Mur et la promenade piétonne qui l’entoure. L’insertion délicate de ce volume ‘étranger’ a même permis de conserver un ancien passage piéton liant la rivière et le coeur du village. Les architectes expliquent avoir retenu pour choix plastique celui qui présentait une ouverture maximale et une luminosité optimale dans un lieu exigu et difficile à remanier.

Alors, quel impact ?

Si la forme reste discutée, l’objet architectural a été salué par les acteurs de la ville, dont les pouvoirs publics qui y ont trouvé un précieux lieu d’échange qui sait attirer les curieux. De fait, le café-bar de Murau est devenu une attraction incontournable avec, bien entendu le château et les remparts, voire, pour les amateurs, l’église paroissiale (gothique) ou le musée de la brasserie.

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Les admirateurs du projet estiment qu’il propose une euphonie entre l’espace urbain conventionnel existant et la modernité architecturale de la région, signe d’un renouvellement urbain de qualité. D’ailleurs, l’un des prix les plus prestigieux de la région, le ‘Geramb prize’**, lui fut décerné. Ou quand l’architecture contemporaine n’est pas perçue comme un art polémique mais comme un précepte de culture quotidienne, inscrit dans le contexte environnemental et social de la ville.

Du point de vue historique, le patrimoine autrichien, avec ses châteaux forts, ses abbayes et ses vieux villages médiévaux, est une invitation à remonter le temps. Cette construction n’est qu’un élément qui, un jour, témoignera de l’évolution des formes et la capacité d’ouverture de cette société.

Voici un café-bar qui, en plus d’une réussite économique, contribue à donner une image positive de la ville.

Sipane Hoh

* L’architecture futuriste désigne deux types d’architectures bien différents : historiquement c’est un style et une pensée architecturaux appartenant à la mouvance futuriste italienne allant de 1910 jusqu’à la fin de l’ère mussolinienne mais, dans une acception plus générale, c’est un design architectural du XXe siècle et du XIXe siècle dont l’inspiration très lâche rappelle des éléments de science-fiction ou des engins spatiaux, sans former une école ou une pensée spécifique.

* Le ‘Geramb prize’ est un prix qui est attribué à la meilleure construction régionale qui tend le mieux à préserver le patrimoine local. http://baukultur-steiermark.at/gerambrose/geramb-rose-2007/projekt5

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Les photos:  © Architektur Steinbacher Thierrichter

N.B. Cet article est paru en première publication dans le courrier de l’architecte le 2 mars 2011.