Architecture sans domicile fixe, de l’utopie à la consommation

Architecture sans domicile fixe, de l’utopie à la consommation

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Suivre le mouvement, bouger ? A l’heure de l’exode rural, de nombreux villages de par le monde se vident de leur population ou sont purement et simplement abandonnés au profit de mégapoles congestionnées. Quid du rôle de l’architecte face à cette affluence incontrôlable ? Pour certains, la réponse réside dans la mobilité : un thème récurrent, désormais phagocyté.

Monde

La ville, sujet de diverses théories, rêvées, fictives, utopiques ou futuristes a, au fil des siècles, toujours assumé son rôle de laboratoire pour l’humanité.

Au milieu des années cinquante, la mobilité est devenue pour une génération d’architectes et d’urbanistes un sujet de réflexion au même titre que la ville et son avenir. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale et en réaction aux besoins d’une société renaissante, les architectes d’Archigram, entre modernisme et contestation, ont abordé cette problématique.

L’évidence d’une vision

En 1965, l’architecte anglais Ron Herron, membre d’Archigram, présentait ‘Walking City’, une ville gigantesque faite d’une multitude de monstres interconnectés et juxtaposés, se déplaçant telle une machine où logent nombre d’habitants dès lors qu’ils y ont trouvé un endroit propice pour s’y installer. Une fiction – sinon une provocation – qui défait la ville de toute logique de reconnaissance et de notion de territoire. Une utopie décrite par certains sociologues comme «familière».

Depuis, les considérations liées à la ville n’ont que peu changé. L’agence américaine Terreform 1, connue pour ses projets urbanistiques et architecturaux fondés sur d’importants travaux de recherches, vient de rendre public ‘Homeway’, sa dernière vision de l’urbanisme mobile.

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Co-gérant de Terreform1 et de Planetary One, Mitchell Joachim**, spécialiste de la ville du futur dans nombre de grandes écoles d’architecture, a conçu une entité dense sinon tentaculaire. Dotée d’une imposante structure, elle comporte plusieurs moyens de transports destinés à faciliter la mobilité entre downtowns américains et banlieues.

Pour ce faire, ‘Homeway’, en alternative aux lotissements typiques des grandes agglomérations, propose de mettre, après rénovation, d’anciens logements sur roues et de les acheminer vers les grands centres urbains.

Le dispositif est valable pour les supermarchés, les centres d’affaires, les commerces qui, de fait, s’aligneront le long des axes routiers pour créer un véritable échange avec la ville existante. Utopique mais véridique, Terreform 1 est un champ d’expérimentation pour une architecture nomade, somme toute, des plus classiques.

2008, la onzième Biennale d’Architecture de Venise. Lors de l’événement, MAD, agence chinoise installée à Beijing, propose, à sa façon, une autre ville, toute aussi futuriste, où technologie et architecture ne font qu’un. ‘Superstar’, est une entité en forme d’étoile, auto-suffisante et productrice d’énergie. Elle se déplace de par le monde dans le but de participer au rayonnement de la culture chinoise.

MAD

Créée pour abriter 15.000 personnes et dotée du confort contemporain, ‘Superstar’ s’inspire des multiples Chinatown présents aux quatre coins du monde pour en proposer une version «grand luxe», qui plus est «mobile». D’aucuns pourraient y découvrir la cuisine chinoise, faire du shopping, y vivre voire y mourir, virtuellement bien sûr : un cimetière numérique recenserait ceux qui ont quitté l’étoile.

Impressionnante par sa démarche, effrayante par sa taille, cette ville compacte et ambulante, à l’architecture ultra-moderne, ne fait que renforcer la vision de l’homme dans sa recherche d’un futur urbain. Architecture vagabonde, ‘Superstar’ pourrait devenir une éventualité.

Itinérance à toutes les échelles 

Retour à une échelle moindre, réaliste, celle d’une construction. Bien plus modeste donc, Mumo, le musée mobile, est un nouveau concept d’art itinérant sous forme de galerie dédiée aux enfants. Du nord au sud de la France, toujours en route pour de nouvelles contrées, Mumo est désormais au Cameroun. Ce container à l’architecture rougeoyante et élémentaire a pu abriter de prestigieuses signatures : Daniel Buren en a habillé les parois, Paul Mac Carthy y a exhibé son lapin rouge. Un succès pour l’expérience.

@JPHH

Enfin, comment ne pas oublier le Mobile Art de Zaha Hadid. Le musée itinérant aux allures de vaisseau spatial a échoué début 2011 sur le parvis de l’Institut du Monde Arabe. Celui qui, au départ, avait pour mission de faire connaître une marque internationale, a suspendu sa mobilité et s’est mué en un abri à l’adresse fixe, 1 rue des Fossés Saint-Bernard, Paris Ve.

Ce dernier cas laisse à penser que l’urbanité itinérante, celle conçue sinon rêvée pour pallier aux problématiques de la ville contemporaine, qu’il s’agisse de l’étalement urbain ou de la consommation énergétique, laisse place à une architecture nomade, esthétique voire commerciale.

Sipane Hoh

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Toutes les photos de l’album: © Terreform1

Les photos 1 et 2 : © Terreform1

La photo 3 : © MAD

La photo 4: © JPHH

N.B. Cet article est paru en première publication dans le courrier de l’architecte le 14 mars 2012.