Mon beau gratte-ciel, que j’aime ta parure !

Mon beau gratte-ciel, que j’aime ta parure !

Gratte-ciel-LAVA

En ce qui concerne les gratte-ciel, notamment, réhabiliter pour relooker un esthétisme jugé démodé, mettre des bâtiments anciens aux normes actuelles et éviter une démolition coûteuse et juridiquement compliquée est l’un des axes de réflexion d’édiles de nombreuses villes. Ecrire le futur à partir des éléments du passé : nouveau marché ou substitut de construction ?

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L’histoire en est témoin, l’homme a toujours voulu construire de plus en plus haut des ouvrages toujours plus imposants. S’il sut construire des pyramides – population 1 – diverses contraintes (poids des matériaux, modèles empiriques, etc.) ne lui ont pas permis d’aller au bout de toutes ses aspirations. Jusqu’aux nouvelles technologies de la seconde moitié du 19e siècle qui ont permis la conception des prémices des gratte-ciel d’aujourd’hui.

Au fur et à mesure de l’audace que permettaient de nouveaux matériaux, des gratte-ciel toujours plus nombreux ont vu le jour aux quatre coins de la planète. La «spécificité américaine» a envahi, insidieusement ou non, toutes les villes du monde désireuses de transmettre un message universel de grandeur.

Le premier ‘sky-scraper’ (10 étages, 42 mètres) – le Home Insurance Building – a été construit à Chicago en 1885. Cinq ans plus tard, lui fut ajouté deux étages. Il fut finalement démoli en 1931 car plus aux normes (déjà à l’époque !) pour être remplacé par un autre, le Field Building, classé monument historique en 1994.

Il demeure que, dans de nombreux pays, la durée de vie des gratte-ciel semble être limitée sinon compromise. Ces bâtiments qui, au départ, avaient vocation à démontrer toute la puissance économique, sociale ou politique de telle ou telle communauté, ont mal vieilli et sont devenus une problématique incontournable de la ville du futur.

C’est en 2010 que l’agence d’architecture LAVA (Laboratory for Visionary Architecture) eut l’idée de ‘rhabiller’ ou ‘refaçader’ (recladding) les gratte-ciel. Quel que soit le projet architectural, un changement de revêtement. Pour ces architectes inspirés par la mode, les bâtiments usés, même les gratte-ciel has-been, peuvent et se doivent de générer une image plus actuelle et plus accueillante au sein des villes contemporaines.

Au nom de l’héritage architectural et d’un patrimoine à préserver, LAVA s’interdit toute démolition. Les architectes envisagent alors une ‘double peau’ (Tower Skin) qui, non seulement donne une image rajeunie de l’immeuble, mais représente encore un condensé des dernières technologies énergétiques et durables. Le gratte-ciel qui en résulte véhicule ainsi un modèle architectural unique, issu de l’association d’un recyclage urbain, d’une créativité innovatrice et de nouvelles normes.

Gratte-ciel-LAVA

Les architectes de LAVA ont notamment étudié les gratte-ciel de Sydney (Australie), des constructions datant des années 60-70, défraîchies, gourmandes en énergie et ne répondant plus aux canons esthétiques du jour. Et si ces bâtisses se paraient d’une nouvelle peau, le regard d’autrui changerait-il ? LAVA, avec le Goulburn Street parking et la tour UTS notamment, en propose une démonstration.

En France, l’agence parisienne Barué-Boutet a livré en 2010, dans le cadre du concours Evolo, une étude minutieuse pour doter à Paris la tour Montparnasse d’une seconde peau, une proposition baptisée ‘Eco-Skin’ ; ou comment recycler un emblème des gratte-ciel parisiens parmi les plus décriés. Les architectes Vincent Barué et Nicolas Boutet, en collaboration avec Olivier Brouard, proposaient d’envelopper la Tour Montparnasse d’une peau transparente et légère apte à préserver l’image du bâtiment tout en améliorant sa consommation énergétique.

Si ces concepts demeurent encore aujourd’hui, pour l’essentiel, au stade de la recherche théorique, des exemples de réalisations sont néanmoins autant de prémices. En France, citons notamment quelques ‘liftings’ notés par les experts dont celui de la tour Franklin de Montreuil-sous-Bois (93), réhabilitée par Hubert et Roy et celui de la tour Zamansky sur le campus de Jussieu (Paris V), réalisé par Thierry Van de Wyngaert. La tour Bois-Le-Prêtre (Paris XVIIe), ‘relookée’ par Lacaton-Vassal, a par ailleurs reçu l’Equerre d’argent 2011. La tour First à La Défense (92), grâce à un ingénieux procédé de recyclage imaginé par Kohn Pedersen Fox Associates et SRA architectes, est devenue la tour de bureaux la plus haute de France.

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Il convient de souligner que si les gratte-ciel parisiens venaient à être démolis, la réglementation interdit aujourd’hui une reconstruction à même hauteur, imposant ainsi une réduction considérable du nombre d’étages exploitables. Il en résulte que, ‘Eco-skin’ ou ‘recladding’, de telles réhabilitation ne sont pas seulement esthétiques et soucieuses d’économie d’énergie mais également une affaire financière rentable.

Donc : réhabiliter à la mode ou reconstruire ?

Pendant que Renzo Piano érige à Londres la plus haute tour d’Europe et Zaha Hadid achève à Marseille l’édification de l’une des plus hautes tours neuves de France, le Grand-Paris oscille entre crise et protestations.

En attendant que des tours tels Phare et Triangle, entre autres, voient le jour à Paris, le recyclage ‘fashion’ des gratte-ciel offre une opportunité pour ‘garder de la hauteur’.

Sipane Hoh

Cet article est paru en première publication dans le courrier de l’architecte le 4 janvier 2012.

Les photos 1 et 2: © LAVA

La photo 3: ©thbz