«L’Unité d’Habitation crée un phénomène social productif dans lequel l’individuel et le collectif s’équilibrent dans une juste répartition des fonctions de la vie quotidienne»*. Cette citation de Le Corbusier est-elle toujours d’actualité ?
France | Logements
1945, pose de la première pierre de la Cité Radieuse, livrée en 1952 à Marseille. Avec cette œuvre monumentale, à la fois entité fonctionnelle et familiale exemplaire, Le Corbusier et ses ‘unités d’habitation’ ont métamorphosé juste après-guerre le monde de la construction.
Cette réponse inventive au problème récurrent du logement collectif transformait profondément, en France, l’idée même de cet habitat, ne serait-ce qu’en y faisant porter une attention nouvelle.
Si les cités de Le Corbusier ont écrit une nouvelle page des annales du logement en France, l’histoire du logement social remonte plus loin dans le temps.
Au début du XIXe siècle, l’apparition massive de logements insalubres aux loyers exorbitants a suscité la lutte menée ensuite par le mouvement hygiéniste pour leur éradication. Les premiers logements sociaux parisiens sont livrés en 1851 rue Rochechouart à la Cité Napoléon, une ‘cité ouvrière’ qui fut à l’époque un événement architectural sans précédent.
Dès lors, les logements sociaux se sont multipliés. Sous différentes formes, avec des matériaux divers, demeure une seule problématique : l’amélioration de l’habitat.
Dans les années 80, Jean Renaudie a signé le projet de la Cité du Parc à Ivry-sur-Seine, tandis que Jean Nouvel signait un peu plus tard le projet Nemausus 1 à Nîmes. L’évènement était d’importance. Là aussi, la physionomie du logement social aurait pu évoluer. Ces deux exemples sont restés, pour diverses raisons, «uniques», voire «utopiques».
En France, depuis dix ans, face aux besoins, l’innovation architecturale est le fait de nombre d’architectes, connus ou inconnus, qui se sont penchés sur ce sujet. De la classe politique, qui veut voir dans le logement social le retour d’une «certaine mixité», aux promoteurs, hommes d’affaires fructueuses, en passant par les médias de bonne conscience, le buzz actuel est sans précédent. Les architectes ont donc à juste titre cru pouvoir expérimenter de nouvelles idées.
Ainsi, le logement social n’est plus ni cité ouvrière ni barre mais peut prendre la forme d’une maison (déjà dans les années ’60 ndlr), être joyeux et accueillant, devenir somptueux même. Il met en oeuvre les dernières technologies, est respectueux de l’environnement tout en s’insérant brillamment dans le tissu urbain préexistant.
Aujourd’hui, au 149-151, rue Cardinet, à Paris, Franklin Azzi a conçu le premier immeuble doté de panneaux photovoltaïques, un chantier d’une forte portée symbolique. Le logement social, un logement de luxe ? Une illusion ?
D’un autre côté, Patrick Nadeau propose, près de Reims, des maisons couvertes de végétation. Le projet s’inscrit dans le cadre de l’opération ‘Maison 2020’, un concours lancé par la société HLM l’Effort Rémois qui a laissé libre cours à l’imagination des architectes.
Ici, l’architecte allie l’idée de la maison traditionnelle avec des matériaux nouveaux (polycarbonate en façade), un toit végétal en forme de vague et l’accessibilité à des locataires aux revenus modestes.
A Paris, le Pavillon de l’Arsenal présente, jusqu’au 4 mars 2012, une exposition intitulée ‘Habiter 2011’ qui, selon ses organisateurs, expose l’ensemble des concours d’architecture pour de nouveaux logements à Paris. On y trouve une multitude de logements sociaux. Ici, foin de l’utopie, retour à la réalité de la grande ville avec ses parcelles exiguës, son cahier des charges plus qu’exigeant, les diverses lois que l’on soupçonne d’exister que pour rendre les choses encore plus difficiles. Il n’y a pas de place, juste le minimum pour «faire au mieux».
Une présentation claire, des maquettes soignées, des perspectives colorées. Dans un projet, l’audace de quelques éoliennes, orphelines pourtant sur l’un de ses toits en retrait (visibles sur une coupe mais pas trop ailleurs). Pour ne pas choquer ?
Ici, une façade drapée de métal, là une autre en brique, ailleurs encore une façade habillée de panneaux de bois ou dotée de quelques tâches de couleur acidulées. Des jardins intérieurs, des double peaux, des études spécifiques, tout un florilège de projets qui se plient aux exigences de notre société.
A trop plier…
Sipane Hoh
* Le Corbusier, rapport à la Commission des Nations Unies, L’Homme et l’architecture, n°11-12-13-14, 1947.
N.B. Cet article est paru en première publication dans le courrier de l’architecte le 01 Février 2012.