Comme chaque biennale d’art contemporain, le visiteur demande : que voir et que faire ? Par où commencer ? Où s’attarder plus qu’ailleurs ? La 58ème biennale d’art contemporain de Venise mérite bien une longue visite. Il s’agit, comme toujours, d’un impressionnant terrain de jeu débordant de créativité où le regard s’égare et les sens s’aiguisent. Détails d’architecture présentera ici un tour rapide des quelques idées les plus marquantes qui donneront probablement envie à d’autres visites.
Diverses formes artistiques
La biennale d’art contemporain de Venise a ouvert ses portes le 11 mai 2019. Intitulée « May You Live In Intersing Times », la biennale, dont le commissaire est Ralph Rogoff, comprend des œuvres reflétant certains aspects précaires de la vie quotidienne, visant à réformer le sens de la collectivité humaine, le tout représenté sous diverses formes artistiques.
Cette année, il y a 87 participations nationales, certains pays comme l’Algérie, le Ghana, le Madagascar et le Pakistan participent pour la première fois à la Biennale d’art contemporain de Venise. Comme chaque biennale, une fois de plus, les pavillons nationaux se sont dotées d’une grande créativité pour présenter à travers l’art contemporain la production artistique de nombreux pays. Il s’agit, comme d’habitude, d’une profusion artistique qui ne laisse pas indifférent. Revenons sur quelques travaux qui qui valent le détour.
Les pavillons
Le thème « May You Live In Intersing Times » a été utilisé par certains artistes avec sérieux, parfois avec ironie ou même avec une sorte de défi. Commençons par le pavillon canadien qui fait sensation avec la première vidéo inuite du pays montrant la nécessité de l’histoire d’un peuple. Le pavillon finlandais qui explore, à travers une installation sculpturale, le miracle en tant d’expression poétique. En créant un espace de rencontres propice à la réflexion, le pavillon défie la notion de représentation et d’appartenance nationales. Quant au pavillon nordique, il se démarque par son thème dialectique qui met en avant les relations complexes et variées entre l’être humain et les autres organismes vivants à l’époque des changements climatiques.
Le pavillon taïwanais se démarque par sa réflexion sur la transformation des techniques de surveillance tout en incluant la reconnaissance faciale 3D contemporaine, l’intelligence artificielle et le poids d’internet dans notre monde, tandis que le pavillon brésilien présente une grande installation orientée sur les cultures autochtones à explorer en présence de l’œuvre audiovisuelle Swinguerra.
Le pavillon polonais présente un avion privé de luxe coupé en deux et reconstruit à l’envers. Il s’agit d’une sculpture surréaliste pleine de paradoxes qui met en avant la transformation capitaliste polonaise. Le pavillon coréen présente trois artistes dont chacune développe des pratiques qui utilise une réflexion critique basée sur une forte conscience du genre tout en approfondissant le présent et en analysant l’histoire autour de la modernisation de la Corée.
Le pavillon japonais met en place un espace dédié aux réflexions sur le savoir comment vivre ensemble ou vivre au sein d’une équipe interdisciplinaire travaillant ensemble. L’exposition prend comme point de départ les pierres, que l’artiste Motoyuki Shitamichi qui a traversé les îles Yaeyama jusqu’à Okinawa a immortalisé en photo. Ces pierres sont des roches naturelles qui préservent la mémoire des catastrophes, mais sont également devenues l’objet de croyances religieuses locales, d’éléments de mythologie et de folklore, de colonies d’oiseaux migrateurs et de foyers pour insectes. Il s’agit surtout d’un autre regard sur le monde qui nous entoure. Le pavillon suisse, à travers un duo d’artistes met au défi les notions du genre, plaçant la discussion dans le standard qui régit nos représentations et notre vie dans la société.
Cette année, il s’agit du premier pavillon du Ghana à la Biennale. Il observe, à travers le travail de six artistes, les héritages et les trajectoires de la liberté. Enraciné dans la culture ghanéenne et dans ses diasporas, le pavillon est conçu par Sir David Adjaye. Les œuvres de chaque artiste sont exposées dans des espaces interconnectés de forme elliptique recouverts de terre provenant de structures classiques ghanéennes. C’est une exposition qui se distingue de tous les autres pavillons par son espace et son art, un lieu pour se plonger dans l’incroyable culture ghanéenne.
Le pavillon italien s’inspire du labyrinthe qu’est Venise et présente les œuvres de trois artistes dont la présentation n’est ni linéaire ni susceptible d’être réduite à un ensemble de trajectoires ordonnées et prévisibles. C’est un spectacle où le visiteur ressent une sensation de temps exagéré qui se perd dans l’espace, un parallèle fascinant avec la ville hôte de la biennale qui permet différentes découvertes à une autre échelle.
Le pavillon français s’est démarqué cette année par son originalité. Après un petit périple où le visiteur est entouré d’arrangées, de téléphones portables, de coquilles d’œufs, de sculptures de pieuvre et d’autres créatures marines, il découvre un film époustouflant et fictif montrant un groupe de jeunes en voyage d’évasion se rendant de Paris à Venise en passant par la banlieue parisienne, le Palais du Facteur Cheval et la mer Méditerranée. Un film, riche en dialogues où se mêlent plusieurs langues comme le français, l’ anglais, avec quelques passages d’italien, d’arabe ou encore du néerlandais. L’idée étant de mettre au défi la représentation d’un monde fluide, dans lequel se mêlent diverses réalités.
Primé par le Lion d’or de cette biennale, le pavillon lituanien transforme l’intérieur d’un bâtiment historique de la Marina Militare en une atypique scène de plage. Cette dernière est éclairée artificiellement, remplie de sable et de tout l’attirail associé aux vacances à la mer. Une installation dystopique qui permet de réfléchir de plus en plus à la façon dont nous concevons et utilisons l’espace public.
A chaque fois, les pavillons nationaux de la Biennale de Venise se dotent de créativité pour présenter à travers l’art contemporain la production artistique de nombreux pays. Et comme à chaque fois, il faut y aller, ça vaut le détour !