
Lorsque Eugène Viollet-le-Duc a restauré le Palais synodal de Sens, il ne pouvait pas se douter qu’un jour lointain un artiste contemporain aux idées provocatrices en prendrait possession ne serait-ce que pour une saison. Et pourtant les murs de cette grande salle envahie d’œuvres inhabituelles pourront un jour témoigner.
C’est dans l’un des lieux marquant de la chrétienté que l’artiste plasticien Arnaud Cohen expose ses œuvres. Deux expositions* qui habitent l’espace, se l’approprient et créent une inopinée conversation avec l’existant. Un dialogue de sourds ? Pas vraiment, c’est juste que les époques changent et les regards se métamorphosent.
La servitude volontaire…
Dans ce haut lieu historique qui accueillait les synodes jadis, nous pouvons trouver l’espace d’une exposition des personnages hybrides éparpillés ici et là. Peu importe leurs figures, il existe un trait d’union très fort entre toutes ces créatures, c’est la couleur grise, une teinte froide, terne, militaire, voire glaçante qui domine l’univers tout entier procurant un sentiment de malaise, de frisson et de répulsion. Le but recherché étant atteint avec brio, les œuvres détournées d’Arnaud Cohen ne sont pas là pour séduire mais pour interroger et scruter parfois même dérouter ou interloquer. C’est toute l’essence de l’art contemporain qui hante le palais synodal cet été.
La pièce maîtresse de l’exposition « Rémission », une forme, couverte d’écailles grises et de pores roses, un vaisseau avec une ouverture géante faisant écho à la rosace de la cathédrale, à l’intérieur une ambiance différente mais malgré sa couleur rouge, aussi glaçante que le gris qui l’entoure, elle questionne tout autant que le reste et qui, entre attirance et méfiance, relate sa propre histoire. N’oublions jamais de lever les yeux, les anciennes pierres et les ouvertures de la salle nous révèlent aussi quelques anachronismes.
Les questions resurgissent à chaque époque
La deuxième exposition se déroule au sein même du musée de Sens là où se trouvent les trésors de la cathédrale et les sculptures gallo-romaines, cette fois-ci, il s’agit d’une rétrospective où l’artiste saupoudre quelques-unes de ses œuvres parmi les joyaux déjà en place. Un parcours qui ressemble à un jeu de piste pour repérer les quelques intrus qui, entre les tableaux de Pieter Brueghel, d’AntoineWatteau, d’Albert Marquet, de Guido Reni ou d’autres, changent le regard et suscite la curiosité de tout visiteur.
Au total vingt-six réalisations que les connaisseurs ont déjà vu ailleurs, entre les collages, les créations en bronze, en bois, en plastique ou en technique mixte, le choix est vaste et le regard à chaque fois distinct. C’est une promenade rétrospective intelligente qui à l’image d’une mise en abîme présente les œuvres de l’artiste depuis leur création jusqu’à nos jours. Une collection qui s’ajoute à celle du musée et crée un atypique face à face générationnel. Dans ce décor hors temps, en parcourant les trésors des âges, c’est tout le curriculum vitae de l’artiste qui s’étale à nos yeux page après page. La double exposition des Musées de Sens est une exceptionnelle immersion dans la pensée d’un artiste hors pair.





* : Le commissariat scientifique de la double exposition est assuré par la conservatrice en chef des Musées de Sens, Sylvie Tersen. « Rémission – Rétrospection » est à découvrir jusqu’au 20 septembre 2015 au Palais Synodal, Musées de Sens.
Pour plus d’informations sur Arnaud Cohen, voir: ici et là.
Mes autres photos de l’exposition ainsi que de la ville se trouvent sur ma galerie publique: ici.