Casa Tao, née d’une mémoire

« Certaines maisons ne sont pas conçues, elles sont gravées dans la mémoire. Casa Tao n’est pas née d’un dessin technique, mais de la mémoire silencieuse de ceux qui l’habitent. C’est une maison qui ne cherche pas à répondre à une image, mais à une vie. Ou plutôt : à un art de vivre. » HW Studio a réalisé un projet minimaliste et esthétique, à l’architecture rigoureuse mais tellement sensible.
Comme un musée japonais
Gustavo a grandi dans une maison modeste, faite d’efforts plus que de matériaux. Fils d’agriculteurs et d’artisans qui, malgré une interruption prématurée de leurs études, ont su lui insuffler le désir de comprendre le monde. Il a grandi à Puerto Vallarta, une ville de la côte Pacifique du Mexique, où le soleil et l’humidité rythment les journées, et où l’ombre n’est pas un accident, mais un bien précieux voire un véritable refuge. Dès l’origine, la maison se devait de traduire ce besoin d’abri, d’isolement, de fraîcheur. Le concept d’ombre n’était pas ici compris comme un simple phénomène physique, mais comme une condition émotionnelle : une promesse de calme, de respiration, de protection silencieuse contre un monde bruyant. Mais c’est la personnalité de Gustavo, aussi riche et complexe que le lieu de son enfance, qui a profondément façonné la conception. L’architecte nous raconte : « Doté d’une curiosité rare, il a fait de l’apprentissage autodidacte sa voie. Philosophie, architecture, musique, photographie, peu de choses lui sont étrangères. Sa bibliothèque, remplie d’éditions spéciales d’Alberto Campo Baeza, Fan Ho, Tarkovski… révèle un amour pour la clarté formelle, la géométrie essentielle, les cours intérieures silencieuses qui dialoguent avec le vide et la lumière. Discuter avec lui, c’est s’immerger dans une vision ouverte sur le monde, à la fois profondément sensible et précise. Son histoire avec Cynthia, la deuxième habitante, est également un élément essentiel de cette architecture. Avec leurs deux filles, Mila et Anto, ils ont effectué leur premier voyage à l’étranger, au Japon. Ce voyage a laissé une marque indélébile dans leur imaginaire : l’esthétique du vide, la pureté de la composition, le calme contenu dans chaque geste architectural. » C’est ainsi que le couple est venu voir l’architecte en lui précisant : « Nous aimerions avoir l’impression de vivre dans un musée japonais. » Cependant, le duo ne parlait pas de la solennité du musée en tant qu’institution, mais plutôt du type d’espace où le temps ralentit, où la lumière filtre doucement, où le silence devient palpable. Et c’est ce que HW Studio a tenté de faire.
Là où l’intimité s’exprime à travers un monde intérieur…
Dans un quartier sans vue remarquable, hormis une place bordée d’arbres offrant ombre et lumière, la maison est orienté pour recevoir la fraîcheur. « Nous avons évité les grandes surfaces vitrées qui pourraient intensifier la chaleur. Nous avons plutôt proposé une relation oblique, en angle, qui permet de percevoir la présence de la place sans être totalement exposé à la forte lumière du soleil. L’acte d’habiter est cadré indirectement, comme si la maison observait en diagonale, modestement, ne laissant passer que le vent et le parfum de la mer, pas si lointaine. » explique l’architecte. En effet, ce dernier a placé le programme principal – les chambres, le garage et les espaces de service – à la base, et au-dessus, il a suspendu une boîte légère à double hauteur contenant les espaces de vie. Cette stratégie lui a permis d’élever la vie sociale au-dessus du niveau de la rue, de l’entourer d’air et de l’ouvrir vers les arbres et la brise marine qui traverse la place. Les patios surélevés servent de terrasses propices à la contemplation : de petites plateformes d’où l’on peut mieux respirer le parfum des fleurs et entendre le murmure du vent à la cime des arbres. Les chambres s’organisent autour d’un patio, en quête de silence et d’air. Ici, l’intimité s’exprime par l’enfermement – non pas comme un confinement, mais comme un monde intérieur.
… Et la matérialité est sensorielle
Un mur incurvé accueille le visiteur avec douceur, marquant un seuil avenant, tandis qu’un arbre s’accorde au reste telle une composition florale. La maison ne regarde pas vers le quartier mais elle se tourne vers l’intérieur. Néanmoins, elle ne se ferme pas ; elle s’ouvre sur le ciel, l’ombre, la place. Tout est agencé pour que la vie se déroule plus lentement et pleinement. La matérialité était inévitablement tactile et sensorielle. La blancheur éblouit sous le soleil côtier, tandis que le béton, lourd et authentique, absorbe la lumière avec délicatesse. Ce béton se réchauffe avec l’usage et le temps. Dans ce matériau, la lumière ne rebondit pas ; elle se fixe. Casa Tao est, en définitive, une architecture née du désir d’habiter le monde avec plus d’attention. « C’est une maison qui se retire discrètement et offre ses espaces comme des atmosphères propices à la contemplation et au souvenir. Habiter y devient une forme d’étude, de pause, de gratitude. Chaque recoin invite à rester, non à passer, et chaque ombre est une promesse de bien-être. Cette recherche délibérée de l’ombre, refuge et qualité poétique, nous rapproche d’une compréhension spatiale similaire à celle décrite par Junichirō Tanizaki dans Éloge de l’ombre. Tanizaki y célèbre non pas l’obscurité comme l’absence de lumière, mais comme une manière plus subtile de voir. Dans son texte, l’ombre n’est pas un obstacle, mais un voile qui ennoblit, une manière d’amplifier la profondeur des choses, de laisser émerger la beauté. » Précise l’architecte. De ce fait, cette maison n’est pas illuminée avec acharnement, mais elle laisse la pénombre suggérer et la lumière filtrer sans violence. Chaque espace devient une expérience sensorielle nuancée et contenue, où le temps s’épaissit et la vie s’apaise.






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